Dans les marchés

Le regard dans le vide, encore et toujours dans son monde à elle, Satine avançait parmi la foule, ne faisant même pas attention aux bousculades. Une fois partie à rêver, il était difficile de la faire revenir sur terre, même menacée d'un couteau elle serait probablement encore dans la lune...Bref rien de très agréable à vrai dire, n'étant jamais très connectée à la réalité, il lui arrivait parfois de frôler le danger sans s'en apercevoir. Que se passerait-il si un jour c'était la mort qu'elle frôlerait? Soudain, comme dans un soubresaut, Satine revint à elle, et aperçut un jeune homme apparement passioné par ce qui se trouvait dans une vitrine. La jeune étudiante se plaça à ses côtés, regardant à son tour la planche de bois exposée dans le magasin.

-Un skate board? Les garçons ont toujours été attirés par ce genre de bidule....Bizarrement.... Désolée je t'ai fait peur? Ca m'arrive souvent aussi de me retrouver dans la lune...

Voyant le jeune homme sursauter sur ses paroles, Satine eut un léger sourire. Dire que celà lui arrivait "souvent" de rêvasser était un bel euphémisme. A vrai dire elle était toujours dans son monde à elle, et il était difficile de convaincre les autres qu'elle n'était pas autiste. Satine reposa son regard sur la vitrine, les mains croisées dans le dos.

-C'est vieux ces trucs là. Personne ne s'en sert plus, c'est dommage. Ils devaient savoir s'amuser avant...Pas comme maintenant...

D'habitude peu bavarde, Satine començait à s'enflammer à côté de ce jeune homme, les yeux rivés sur cette antiquité qu'elle n'avait vu qu'une fois en cours d'histoire à la faculté.

Garion regarda un moment la nouvelle venue et la trouva assez crédule pour tenter un tour qui avait souvent marché dans le passé.

* Ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer à acheter quelque chose ... *

<< Comment ça s'apelle vous dites ? ... ma famille d'acceuil ne me donne pas d'argent de poche et donc je peux jamais acheter les choses dont j'ai envie ... >>

Oh alors c'était pour cela qu'il contemplait avec envie ce skate board exposé dans la vitrine, parce qu'il n'avait pas les moyens de se l'acheter? Du moins c'est ce que la naïveté de Satine poussait à croire, et toujours sans détacher les yeux de cette banale planche de bois, elle retorqua :

-Au moins tu n'es pas tout seul, tu as une famille.

Satine tourna la tête afin de regarder Garion, dont les mots qui se voulaient réconfortants n'avaient pas l'air de l'être pour lui. Il regardait toujours avec envie la vitrine, et Satine finit par plonger une main dans sa poche, ressortant quelques malheureuses pièces qu'elle regarda en soupirant.

-Je n'ai pas grand chose...je suis pas riche non plus, dit-elle dans un sourire.

Elle se tourna pour se retrouver complètement face à face avec le jeune homme, et soudain le regarda d'un air soupçonneux. Dans cette ville tous les coups étaient permis, et mieux valait rester sur ses gardes.

-Tu ne serais pas en train de me duper j'espère? Hmmm...bref, je m'appelle Satine. Tu n'es pas humain, n'est-ce pas?

Le ton de sa voix était calme et posé. Il ne s'agissait nullement d'un reproche, c'était seulement sa curiosité qui la poussait à poser ce genre de question. En effet le jeune garçon avait des airs un peu trop froids pour être un humain, bien que d'apparence il en était proche.

Les yeux de Garion commencèrent à s'emplir de larme et il sortit un petit couteau de sa poche. Il se fit une fine taillade au bras, libérant un filet de sang rouge coulant de sa blessure.

<< C'est la raison pour laquelle mes vrais parents se sont suicidés. Il n'ont pas suportés les brimades qu'ils recevaient en raison de mon apparence, mais je suis bien humain sinon comment je pourrais souffrir autant ? >>

Il fondit en larme devant l'air septique de Satine, tandis que les autres passants leurs jettaient des regards curieux.

Pourquoi est-ce que d'un seul coup le jeune homme sortait un couteau? Satine le regarda d'un air sceptique avant de comprendre ce qu'il comptait faire. Légèrement paniquée, la jeune fille n'osa pas lui retirer l'arme de la main.

-D'accord , d'accord. Mais c'était juste...une question comme ça. Range cette arme maintenant...

Bingo, elle avait bien sûr posé la question qu'il ne fallait pas. Comment faisait-elle pour toujours blesser les personnes sans en avoir l'intention? Et d'après les dires du jeune homme, il n'avait pas eu un passé très agréable. Celui de Satine ne l'était pas non plus d'ailleurs, quoique voir ses parents se suicider par sa faute devait être particulièrement horrible. Sans se soucier du regard accusateur des passants, Satine reprit:

-Ecoute heum...pendant un instant, elle se rendit compte qu'elle ne connaissait même pas le nom du jeune garçon mais continua malgré tout. Si je pouvais, je t'achèterai ce truc, mais je n'ai rien sur moi. Range ce couteau s'il-te-plait...

* Ah m... *

Garion passa sa main sur son visage pour en enlever les larmes et lui lança avec un sourire rapide avant de rentrer dans le magasin.

<< Au moins j'aurais essayé ... >>

A travers la vitrine, Satine vit l'enfant parler au vendeur et sortir une grosse bourse remplie de pièces. Il en choisit deux-trois qu'il tendit au vendeur qui écarquilla les yeux devant la main du garçon. Il ressortit avec la planche sous le bras, toujours suivit des yeux par l'étudiante

<< Bon je te paye un verre en dédomagement ? >>